« Let a website be a worry stone », disait Ethan Marcotte au début de la pandémie. Nous avons réinvesti nos appartements, soudainement devenus des bureaux et des cuisines et des lignes de production de masques et des data centers et des studios d’enregistrement. C’était un sacré bordel. J’ai réinvesti mon blog, soudainement devenu le catalogue de ma bibliothèque et mon album photo et mon nuancier d’encres violettes et mon carnet de notes de dégustation de cafés et j’en passe. C’est un joyeux bordel.
La huitième version de Zinzolin en décembre 2019.
La onzième révision de la huitième version en juin 2022.
À la sortie du premier confinement, nous avons vidé notre appartement, contraints et forcés par un dégât des eaux aux proportions bibliques, il n’aurait plus manqué que les nuées de sauterelles pour me convertir. Nous avons dû tout refaire du sol au plafond, pièce par pièce, presque recoin par recoin. Nous avons observé notre chorégraphie mutuelle avant de replacer quelques meubles, remonté une poignée d’objets indispensables du sous-sol avant de donner le reste, apprécié les jeux d’ombres entre les immeubles et les rais de lumière entre les volets avant de repeindre d’un blanc éclatant.
Nous avons pris le temps d’un certain inconfort, deux chaises au milieu du salon et le routeur Wi-Fi sur un pot de fleurs. Il faut dire que l’état de nos finances ne nous aurait pas permis d’aller plus vite.
À la sortie (?) de la pandémie, je ressens le besoin impérieux de vider Zinzolin, les évènements proprement apocalyptiques de l’été ont laissé des traces. Je veux tout refaire du sol au plafond, page par page, presque ligne de code par ligne de texte. Je compte observer nos navigations mutuelles avant de replacer quelques liens, rétablir une poignée d’éléments indispensables avant de supprimer le reste, apprécier la respiration des blocs typographiques et l’inspiration des choix esthétiques avant de repeindre d’un violet profond.
Je veux prendre le temps d’un certain inconfort, une colonne de texte au milieu de l’écran et quelques liens derrière un bouton. Il faut dire que l’état de mon lectorat1 me permet d’aller aussi lentement qu’il le faudra.
Nous avons donné nos meubles en sachant que j’allais enfin déballer ma bibliothèque, bien sûr, et j’ai appuyé sur la touche Supprimer en sachant que j’ai gribouillé quelques dizaines de pages de croquis, évidemment. Je veux laisser toute la place au contenu, comprendre pourquoi j’ai tant de mal à concevoir des menus, interroger la notion de « page d’accueil », me sentir à l’étroit sur les grands écrans mais à l’aise sur les plus petits.
En somme, après ces quelques années suspendues, je veux reprendre les réflexions menées pendant les premiers temps de la conception du Club iGen (où j’avais exploré la frontière entre les sites et les applications) et les quelques mois d’existence de Cartel Mère (où j’avais buté contre les limites des possibilités de mise en page sur l’axe horizontal). Je veux faire travailler le médium, parce qu’il entrave le message.
La première maquette du site du Club iGen en mars 2016.
La page d’accueil de Cartel mère en octobre 2016.
Et puis, il faut bien le dire, je veux montrer que les frameworks utilisés par les « développeurs » qui prétendent que le CSS n’est pas un langage de programmation alors qu’ils n’ont jamais écrit la moindre ligne de véritable JavaScript, pauvres âmes qui passent leur temps à changer de train d’atterrissage en plein vol sans jamais avoir appris à piloter, ne sont pas une fatalité. Du sol, le HTML qui établit la structure, au plafond, le JavaScript qui apporte de l’éclairage ici et du mouvement là-bas, avec un bel espace entre les deux, arrangé par les feuilles de style CSS. Chacun son rôle, chacun ses forces, j’ai refait l’électricité, mais un artisan est venu poser la cuisine.
J’espère que ce sera aussi gratifiant.
Merci aux trois lecteurs et deux lectrices qui supportent encore mes divagations. ↩︎