Il y a cent ans, l’Allemagne déclarait la guerre à la France. Étrange anniversaire que celui que vous commémorez. Oui, « vous ».
Certains de mes ancêtres sont bien morts pour la démocratie, au nom de la paix et de la liberté. Mais aucun n’est mort pour la France. Dans ces moments, je ne suis pas pleinement français : je suis petit-fils d’immigrés, qui a la chance de pouvoir habituellement l’oublier grâce à sa peau blanche, ses cheveux lisses et son nom à peu près prononçable.
Il y a cent ans, ceux qui m’ont donné ce nom étaient encore dans leurs îles. Les Nelrin d’Haïti sont peut-être1 devenus les Nelzin de Guadeloupe, qui se sont mêlés à des Canadiens, des Anglais, des Allemands et des Français avant de franchir l’Atlantique.
Quelques Santos, Toba, Veiga, et Barreiro sont morts les armes à la main. Mais la plupart d’entre eux sont morts d’épuisement ou de maladie, dans les champs ou dans les mines. Des héros que l’on ne célèbre pas, alors qu’ils se battaient pour offrir un monde meilleur à leurs enfants.
Parce qu’elles oublient trop souvent la diversité du peuple français, ces célébrations interrogent mon identité jusqu’à la remettre en cause. Je me sens de plus en plus mal dans cette France qui se replie sur elle-même, d’élections déprimantes en célébrations morbides, au point d’oublier sa place de carrefour de l’Europe.
Et de faire un étranger d’un Parisien né de parents parisiens, qui a passé sa jeunesse à dormir sous la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Étrange anniversaire que celui que vous commémorez.
Peut-être, car cette histoire de métissage est un tabou familial que je ne suis pas encore parvenu à tout à fait lever. ↩︎