Google Search et Microsoft Bing ont perdu la raison. « Quelle que soit votre activité, les robots peuvent faire ce que vous faites un million de fois le temps d’un clin d’œil », disait Jaron Lanier, « les fausses personnes sont une attaque de la culture par déni de service ». Nous y sommes : les robots dopés à l’intelligence dite artificielle font le travail d’un million d’escrocs de l’« optimisation pour les moteurs de recherche », la fumeuse SEO, et finissent ainsi de pourrir le web. Notre culture est attaquée, et les gens qui prétendaient la défendre sont submergés.
« Garbage in, garbage out », ce vieil adage de l’informatique n’a jamais été aussi actuel. Les humains racontaient des conneries aux machines, les machines racontent des millions de conneries aux machines le temps d’un clin d’œil. Quora fait le pari faustien de la machine contre l’humain, Google fait la même erreur, et voilà que l’on peut soudainement faire fondre des œufs. Microsoft ne fait pas mieux, bien au contraire, parce qu’elle entraine des moteurs comme DuckDuckGo et Ecosia1 dans son sillage.
Kagi tente de combattre ce fléau avec son projet « Small Web », qui fait surnager « le web fait de millions d’humains », mais c’est l’écume des flots putrides de contenus générés par ChatGPT et con-sorts. Les moteurs engloutissent des pages web, un bon petit plat préparé avec amour pour chaque tonne de bouffe industrielle pleine de produits chimiques, jusqu’à l’indigestion. Neil Clarke veut bloquer les robots qui alimentent les modèles de machine learning, mais comme toutes les nobles quêtes, elle est vaine et futile.
Les systèmes de scraping n’ont jamais respecté les instructions du fichier robots.txt
, les moteurs de recherche n’en tiennent plus compte, et mon expérience tend à montrer que les AIbrutis s’en foutent royalement. Qu’importe ! Les machines sont à ce point voraces qu’elles finiront par se bouffer elles-mêmes. J’attends patiemment en affutant mes stylos-plumes.
Ici
Clichés
Les clips publicitaires pour le Pixel 8 me collent une trouille monstrueuse. Google se réjouit de créer les conditions pour que les gens se souviennent de moments qui ne se sont pas passés. S’il devient insupportable de regarder l’appareil et de sourire, s’il devient insupportable de reprendre une photo, s’il devient insupportable de changer de point de vue, alors plus rien n’est supportable.
Le manque d’attention devient un argument commercial. On se fout du monde parce qu’il peut être recomposé en postproduction, mais nous n’avons qu’un seul monde et l’atmosphère ne peut pas être recomposée. Ce qui existe nous échappe, mais ce que l’on imagine se trouve de l’autre côté d’un bouton. La modification d’une photographie sous l’agrandisseuse ou dans Photoshop porte les germes de son anéantissement, puisque l’original est une preuve de la fiction, alors que la modification d’une photographie dans l’appareil porte les germes de notre néantisation, puisque l’« original » oblitère la réalité.
Google ne veut plus prendre de photographies, mais « sublimer nos souvenirs », ces histoires que nous nous racontons pour oublier que nous mourrons. Nous ne pourrons bientôt plus croire nos yeux, alors pourquoi croire quoi que ce soit ? Pourquoi continuer à vivre, si nous pouvons nous inventer une existence ? Je crois que je commence à comprendre le marketing de la peur.
Mes photos du mois d’octobre :
- Accroché #3 (Lyon)
- Bouquiniste (Rochetaillée-sur-Saône)
- Porte #7 (Chambéry)
- Pâtisserie (Lyon)
- Dimension plate #21 (Strasbourg)
Épisodes
C’était juillet en octobre : Arnaud a lu un livre et j’ai acheté un jeu vidéo. Nous sommes passés à deux doigts de l’apocalypse, mais heureusement, Arnaud a restauré l’équilibre de la nature en achetant encore un nouvel ordinateur.
Notre épisode du mois d’octobre :
Lectures
Je lis plus vite que je ne publie mes fiches de lecture, et c’est une excellente nouvelle, surtout quand les livres sont aussi passionnants.
Ma note de lecture du mois d’octobre :
Souvenirs
Me voilà donc arrivé à la moitié de mon espérance de vie à la naissance. Bien sûr, cela ne signifie rien. À force de traverser dans les clous, je pourrais bien être fauché par le prochain chauffard, c’est-à-dire n’importe quel sociopathe qui pense que rien n’est plus important que de vérifier ses messages WhatsApp. À force de progrès scientifiques, je pourrais bien voir le 22e siècle, c’est-à-dire le spectacle d’une planète ravagée par notre inaction.
La deuxième moitié sera (peut-être) plus longue que la première, mais semblera passer toujours plus vite, parce que nous sommes condamnés par le chronos. Tellement peu de temps, tellement de livres à lire. La deuxième moitié sera (peut-être) plus longue que la première, mais je sais exactement comment l’occuper, parce que je ne connais qu’un seul kairos. Tellement peu de temps, tellement de livres à écrire.
Mon article du mois d’octobre :
Ailleurs
Écouter
J’ai fini la première partie de ma vie avec un mini-documentaire sur le dernier morceau des Beatles, j’ai commencé la seconde partie de ma vie avec un nouveau morceau des Beatles. Je n’en demandais pas tant, mais cela me va.
Mais aussi :
Lire
« J’ai toujours eu du mal à faire la différence entre l’art et la créativité », écrit Liz Gumbinner, « entre l’art et le talent artistique et les artistes. » Je ne peux pas m’empêcher de lever les yeux au ciel lorsque je me connecte au site de l’Urssaf « artistes-auteurs », mais je suppose que le montant de mes impôts devrait me guérir du syndrome de l’imposteur.
Mais aussi :
- « Martin Scorsese: “I have to find out who the hell I am” » (GQ)
- « Comment les écrivains vivent-ils (ou pas) de leur plume ? » (Le Monde)
- « Quand le microchimérisme rebat nos cartes génétiques » (Libération)
- « Back to my books » (The Homebound Symphony)
- « My mind, the invisible loudspeaker » (Winnie Lim)
- « La muerte del tercer género o cómo Colón y Hernán Cortés se convirtieron en los padres del binarismo » (El Diario)
- « How Peter Jackson Broke Up the Beatles » (Vulture)
Regarder
Apple a passé la demi-heure de son clip publicitaire d’Halloween à vanter la puissance de ses puces. À quoi bon ? C’est bien gentil de parler de modèles de machine learning et de montage 8K et de création 3D et de je ne sais quoi encore, mais Pages se lance moins rapidement sur un Mac Pro gavé de 128 Go de mémoire que Word 5 sur un Macintosh SE/30 avec 1 Mo de RAM. Where did we go wrong?
Mais aussi :
- The Super Mario Bros. Movie — n’a pas d’autre fil narratif que le fan service, ce qui permet de se concentrer sur l’atroce performance de Chris Pratt et d’Anya Taylor-Joy, c’est à croire que le doublage est une profession à part entière.
Qui reposent largement sur les données de Bing. ↩︎