Il y a quelques semaines, j’ai écrit :
Mais la démonstration de SwiftUI aurait pu attendre le « Platform State of the Union », ce deuxième keynote d’ouverture plus particulièrement consacré aux développeurs. Sauf qu’elle montre clairement le futur du développement sur la plateforme d’Apple. Oui, « la » et pas « les ». À terme, le même code pourra s’exécuter sur tous les appareils avec des interfaces adaptées à chaque écran, être distribué dans une seule et même boutique, voire être exécuté sur les mêmes processeurs lorsque les Mac intègreront des puces ARM.
Aujourd’hui, je ne changerais pas un mot des trois premières phrases. Mais la dernière partie de la quatrième ? Pendant la WWDC, Apple a clairement exposé la stratégie qu’elle dessine depuis plusieurs années. Avec le projet Catalyst, tous les appareils utilisent peu ou prou la même base logicielle, tout en conservant différentes interfaces machine-humain. Avec SwiftUI dans les prochaines années, les développeurs — et surtout Apple elle-même — pourront plus facilement maintenir ces différentes interfaces.
Ainsi, Apple peut faire avancer tous les appareils en même temps, plutôt que de laisser souffrir l’un tandis qu’elle est accaparée par l’autre. Des différences matérielles naissent les particularités logicielles, mais ces différences prennent forme sur le même jeu de composants (l’iPad Pro n’est qu’un grand iPhone… avec un clavier et un stylet) et ces particularités s’appuient sur la même base de code (l’Apple Watch et l’Apple TV utilisent le même système… mais pas la même interface).
En somme, Apple cultive la différence. L’Apple Watch prend une place privilégiée au poignet, d’où elle recueille des informations précieuses avec ses capteurs. L’iPhone reste le plus grand écran que l’on puisse tenir dans une main, un lien permanent au cloud, et un formidable appareil photo. Les usages de l’iPad Pro et du MacBook se recouvrent — Apple pensait sans doute que les tablettes prendraient la suite des ordinateurs portables généralistes, ce qui justifiait le perfectionnement du MacBook Pro, cette station de travail aussi puissante que chère.
Au bout du compte, le MacBook Air ne sera probablement plus rien d’autre qu’un iPad doté d’un clavier inamovible, pour les utilisateurs qui préfèrent les dispositifs de pointage indirect et macOS. Dans ce cadre, le projet Catalyst bénéficie à l’iPad plus encore qu’au Mac, comme je l’avais pressenti et comme iPadOS 13 le confirme. Restent les Mac de bureau, qui représentent moins de 10 % des ventes d’un secteur qui représente moins de 10 % du chiffre d’affaires d’Apple.
Du Mac mini au Mac Pro, en passant par l’iMac, ces machines n’ont jamais été aussi performantes. Ce ne sont plus des ordinateurs généralistes, mais des calculateurs multispécialisés, des stations de développement d’applications et de créations d’expériences de réalité augmentée. Dès lors, je me demande pourquoi ces machines devraient absolument passer aux processeurs ARM, comme la rumeur déformée par les ânalystes semble l’annoncer.
Si chaque appareil doit suivre son propre chemin, si ces ordinateurs sont les fameux « camions » évoqués par Steve Jobs, pourquoi ne conserveraient-ils pas leurs processeurs x86 ?1 Connaissant Apple, on pourrait imaginer qu’elle prépare une nouvelle génération de processeurs ARM ultrapuissants, voire une nouvelle architecture massivement multiprocesseur organisée autour d’un répartiteur de charge dopé au machine learning. Mais ce n’est peut-être pas l’hypothèse la plus évidente.
Je me suis toujours demandé ce qui empêchait Apple d’abandonner Intel non pour ses propres processeurs, mais pour ceux d’AMD, dont le rapport performances/consommation n’a jamais été aussi alléchant. ↩︎