« Pour bien écrire il faut bien lire », disait ma grand-mère, qui devait sans doute l’avoir lu. Alors je lis — plusieurs dizaines d’articles par jour, deux ou trois journaux par semaine, quelques magazines par mois, et une trentaine de livres par an. Trente tout rond, même, en 2017.

La trilogie berlinoise. Il y a quelques mois, je me suis réveillé en pleine nuit avec l’idée d’une série policière. Pas un roman — une série tout entière, avec ses protagonistes et ses antagonistes, ses lieux, ses intrigues, ses fils rouges… Je suis allé me recoucher après avoir noirci un carnet, pour immédiatement me relever, angoissé à l’idée que ces idées ne m’aient pas été servies sur un plateau d’argent par une muse, mais soient le produit remâché de mes lectures passées. J’ai sorti quelques livres de la bibliothèque, appréhendant d’y trouver des passages familiers1, et commandé quelques autres, espérant pouvoir commencer mon travail de déconstruction du genre. La trilogie berlinoise de Philip Kerr, parmi eux, m’a laissé de marbre. Bourrés de clichés, longs et décousus, chacun de ses épisodes se conclut — évidemment ! — par l’intervention d’un deus ex machina.

L’imposteur et le génie. L’imposteur, de Javier Cercas, n’est pas seulement le formidable récit de la mystification d’Enric Marco. C’est aussi une réflexion sur l’inéluctable narcissisme du romancier. Fearless Genius, de Doug Menuez, n’est pas seulement une superbe collection d’instantanés de la Silicon Valley. C’est aussi une histoire visuelle de la conception de l’ordinateur personnel et d’internet.

En images. Campagne présidentielle, Le château, Gérard, Mathieu Sapin m’a réconcilié avec la bande dessinée documentaire. (Et m’a fait redécouvrir Gérard Depardieu. Quel acteur. Quelle personnalité. Quel ogre.)

Essais et ratés. J’ai lu peu de fiction cette année, mais de nombreux essais : Directs du droit d’Éric Dupond-Moretti, qui n’a pas la conception la moins juste de la justice, Ce que peut l’histoire de Patrick Boucheron, le prof qui m’a fait aimer l’histoire médiévale, Révolution d’Emmanuel Macron, parce qu’il le fallait, The Powerhouse de Steve LeVine, une enquête fascinante sur la conception des batteries automobiles, The One Device de Brian Merchant, dont j’ai déjà dit tout le mal que j’en pense, et enfin L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine de Ruwen Ogien ainsi que l’Éloge des mathématiques d’Alain Badiou, deux lectures estivales fort agréables. J’ai aussi essayé de lire Things to Make and Do in the Fourth Dimension, qui m’est tombé des mains alors que j’adore Matt Parker, et je n’ai pas encore fini The Book, un magnifique livre sur les livres que j’aimerais savourer.

(Re)lectures. « Pour bien écrire il faut bien lire »… et relire. J’ai re-re-relu Mon dernier soupir, de Luis Buñuel, qui contient notamment la seule et unique manière de préparer un martini. Comme tous les trois ou quatre ans, je me suis amusé à compter le nombre de fois que Stephen King ignore dans On Writing les conseils qu’il prodigue dans On Writing. Et comme tous les trois ou quatre ans, j’ai arrêté de compter après le troisième chapitre, parce que c’est quand même un excellent bouquin.


  1. Ce n’est heureusement pas le cas. ↩︎