Les pays nordiques ont jeté les bases de leurs systèmes sociaux après la Première Guerre mondiale et la pandémie grippale de 1918. Le New Deal répondait aux conséquences du krach de 1929. La France a fini de bâtir son État-providence au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. Les États-Unis ont failli faire leur révolution verte après le choc pétrolier. Le commerce en ligne et les monnaies numériques ont pris leur envol en Chine pendant l’épidémie de SRAS.

Je ne dis pas « ceci s’est passé grâce à cela », mais bien « ceci s’est passé après cela ». La « réaction progressiste » aux crises est souvent surestimée, une corrélation illusoire qui agace les historiens et amuse les économistes, mais les crises sont souvent des moments d’inflexion. Alors que nous vivons des « moments intéressants », nous devons réfléchir à la direction que nous comptons prendre. Cette crise prouve que des choses réputées impossibles ne l’étaient pas :

Elle offre aussi un aperçu du pire :

Je refuse de penser que la sortie (encore lointaine) du confinement est une fin. Ce n’est que le début. De quoi, ça…

In medias res

Blaise Pascal, Pensées, Divertissement n° 4/7 :

Quand je m’y suis mis quelquefois à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s’exposent dans la Cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j’ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s’il savait demeurer chez soi avec plaisir, n’en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d’une place. On n’achète une charge à l’armée si cher, que parce qu’on trouverait insupportable de ne bouger de la ville. Et on ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu’on ne peut demeurer chez soi avec plaisir. […] De là vient que les hommes aiment tant le bruit et le remuement. De là vient que la prison est un supplice si horrible. De là vient que le plaisir de la solitude est une chose incompréhensible. Et c’est enfin le plus grand sujet de félicité de la condition des rois de ce qu’on essaie sans cesse à les divertir et à leur procurer toutes sortes de plaisirs.

Regarder

Miles Davis : Birth of the Cool (Netflix). Un documentaire ennuyeusement conventionnel, pour un artiste qui a défié toutes les conventions, et terriblement verbeux, pour un musicien connu pour sa science du silence. Au milieu du film, Frances Taylor occupe un rôle central, et livre un témoignage poignant sur la violence sociale subie par le musicien et la violence privée infligée par son mari. Mais Stanley Nelson lui accorde la conclusion — “I don’t regret, I don’t forget, but I still love” — comme s’il fallait absoudre ce monstre de génie.

Écouter

Je n’ai pas abandonné mon idée d’écouter toutes les cantates de Bach, mais j’avais envie d’écouter des gens parler, et pas uniquement pour annoncer de mauvaises nouvelles. J’ai donc repris quelques-uns de mes podcasts favoris :

Lire

J’ai ajouté Facebook : The Inside Story à ma liste de lectures en cours. Par ailleurs, je retiens ces articles :


  1. Je suis de la classe ouvrière mais n’en suis plus, la méritocratie républicaine m’ayant « promu » dans cette petite classe moyenne qui ne part pas en vacances chaque été, mais achète des pâtes Barilla. (Ceux qui savent, savent.) Comment ne pas trahir mes racines, sans risquer la condescendance de mon nouveau groupe social ? Puis-je d’ailleurs le faire, ou bien cette rupture est-elle définitive ? Comme reconstruire des solidarités entre les classes, pour autant que l’on puisse encore parler de classes ? ↩︎