J’étais trop occupé à prévenir les collègues de Reporters solidaires et les anciens collègues de l’Université Lumière-Lyon 2 pour prendre conscience de ce qu’il s’était passé. Je me suis effondré quelques heures plus tard, en relisant nos échanges. Arman était un étudiant passionné et idéaliste, qui savait beaucoup et ignorait plus encore, un fils de journaliste qui avait le micro en main et la balle au pied.
Nous parlions beaucoup de l’écriture — la sienne, la mienne. Son style était encore emphatique, mais il était déjà capable de vous tenir en haleine, son indignation n’était pas encore productive, mais il a toujours fait preuve d’une sincérité désarmante. Comment aurions-nous pu lui reprocher d’avoir quitté Rome1 pour Londres sans repasser par Lyon ? Ce Français né en Bosnie s’est trouvé dans une agence mondiale.
Même si je suivais sa progression de loin, j’étais enchanté par ses talents de conteur. Arman mettait en scène les protagonistes, rappelant ainsi que le journaliste doit quand même un peu mentir pour dire sa part de vérité, sans jamais faire de cinéma. C’était un journaliste comme je nous déteste, incapable de se planquer derrière son sujet, c’était un journalisme comme je nous adore, incapable d’ignorer les sujets derrière son information.
Au cours de l’hommage en forme de séminaire que nous avons organisé à l’université, un étudiant déplorait que la bataille fût perdue d’avance. C’est une évidence ! Notre culture est victime d’une attaque par déni de service. C’est une chance ! Le journaliste est celui qui est capable de trouver la goutte de véracité, ou du moins la goutte d’humanité, dans le tsunami d’inepties et de mensonges générés par la machine.
Tout est faux jusqu’à preuve du contraire, mais les journalistes sont de moins en moins nombreux et travaillent dans des conditions de plus en plus précaires. Les « influenceurs » inféodés aux algorithmes sont infiniment plus estimés que nous le sommes, et pourtant infiniment plus corrompus que nous le sommes, seuls les politiciens sont plus détestés que nous le sommes, et évidemment plus corrompus que nous le sommes.
Tout est faux jusqu’à preuve du contraire, mais les journalistes ont fait une profession — un sacerdoce ! — de prouver le contraire. Nous forgeons les maillons de la chaine de l’information, une chaine qui relie, une chaine qui libère. Nous prouvons que les humains peuvent résister aux machines, et nous sommes peut-être des Quichotte face aux moulins, mais Quichotte est resté et les moulins ont disparu. La fabrique de l’information est un antidote à la destruction de la réalité.
Je ne savais pas comment j’allais conclure avant de m’entendre dire : « Arman nous donne une leçon — perdu pour perdu, allons-y avec le sourire ». Nous n’en réchapperons certainement pas, mais nous brillerons, bordel, nous brillerons jusqu’à nous consumer. C’est la seule chose, la vaine chose, la plus belle chose qu’il nous reste. La vérité contre la machine. La vérité contre la mort. Ciao l’étudiant.
Lentement mais musicalement. Retrouvez la bande-son électro-jazz de « Lentement » sur Qobuz et sur Spotify. J’ai réduit ma liste à quinze morceaux, c’est déjà pas mal, et c’est comme si cet exercice portait les germes de sa propre destruction. À force de retenir le flux, à force de réécouter pour confirmer ma sélection, je ne vais plus rien pouvoir laisser passer. Je crois que c’est bien.
Ici
Un jour, je prendrais le temps d’expliquer mes choix de couleurs et de polices, mon travail de taxonomie des articles, mes tentatives de mise en page des articles et tout le toutim. En attendant, je n’ai pas pu résister à l’envie de parler des View Transitions… et de titrer avec un mauvais jeu de mots :
Le film est-il meilleur que le livre ? Avec mes deux dernières lectures, je crois que c’est le cas, et je n’ai pourtant pas vu le film :
Les devantures et la porte du mois sont bleues, bleues et encore bleues. Je suppose que cela dirait quelque chose de mon humeur… si je n’avais pas programmé la publication depuis plusieurs mois :
Ailleurs
Presque mourir :
The palpitations were like nothing I’d ever felt, and the taste of blood filled my mouth. Milliseconds later, like a ricochet of bullets, the clot exploded in my lungs. I fell to the ground, gasping for air, each breath more shallow and pained than the one before. I am dying, I thought with a clear certainty that I’ll never be able to explain. My systems were shutting down, one after the other, and my body instantly knew what my mind could not refute.
Et puis (sur)vivre :
I longed to come close to death again, even as I lay in the ICU surrounded by my family who were so thankful I had survived. I would close my eyes and believe with unwavering faith that I was going to return. I believed that this survival was temporary, that I would soon go where I belonged. Even amidst the miracle of my survival, what gave me solace was that soon enough, I would be back. But I never told anyone.
Je parlais des technologies génératives comme du « John Lennon robotique de mon piètre Paul McCartney intérieur », Chris Coyier se retient d’en parler comme d’un ange gardien :
Generative “AI” text not only might help get the job done, but it tempers the fear. It helps people who can’t get the gumption to write get through it. And perhaps just as crucially: pass the buck. Not necessarily in a way that avoids true responsibility, but in a way that avoids devil-on-the-shoulder thinking. The words aren’t bad because I’m dumb, it’s because the machine is dumb.
Mais en vérité, c’est probablement un diable à cheval sur les épaules de tous les petits chefs de la planète :
So, I would like to propose another metaphor for the risks of artificial intelligence. I suggest that we think about A.I. as a management-consulting firm, along the lines of McKinsey & Company. Firms like McKinsey are hired for a wide variety of reasons, and A.I. systems are used for many reasons, too. But the similarities between McKinsey—a consulting firm that works with ninety per cent of the Fortune 100—and A.I. are also clear. Social-media companies use machine learning to keep users glued to their feeds. In a similar way, Purdue Pharma used McKinsey to figure out how to “turbocharge” sales of OxyContin during the opioid epidemic. Just as A.I. promises to offer managers a cheap replacement for human workers, so McKinsey and similar firms helped normalize the practice of mass layoffs as a way of increasing stock prices and executive compensation, contributing to the destruction of the middle class in America.
Qui rêvent de pouvoir écraser des agrafes et des trombones avec leur nouveau marteau :
I’m sure you’ve heard the law of the instrument: when all you have is a hammer, everything looks like a nail. There’s another side to it. If you’re selling hammers, you’ll depict a world full of nails. […] The latest hammer is machine learning, usually—incorrectly—referred to as Artificial Intelligence. What makes this hype cycle particularly infuriating is that there are genuine use cases. There are some nails for this hammer. They’re just not as plentiful as the breathless hype—both positive and negative—would have you believe.
Sans transition aucune, ou peut-être que si :
Earlier this week it was reported that Vice, which was valued at as much as $5.7bn in 2017 having rejected a potentially $3bn-plus deal with Disney two years earlier, was close to filing for bankruptcy. On Friday, it emerged that Vice Media is nearing a deal to be bought out of bankruptcy by senior lenders in a process that would wipe out existing shareholders including Murdoch’s son, James. The news, which came after the company failed to convince as many as five potential suitors that it was worth being bought for $1.5bn, followed BuzzFeed shutting down what remained of its once high-flying news department last month and making 180 staff redundant.
Sur ce, permettez-moi d’éteindre mes écrans :
Screenprinting is hard. You really need a dedicated space for it. I insolate the screens at home where I can turn a room into a black room. But humidity is too high. So before working, I need to dehumidify the room. So on Tuesday I worked on my Depression piece but between doing the screen, preparing ink, printing and cleaning, it took me a whole day. BUT, the good news is that it meant no time procrastinating. No time on my phone. And it feels so good to be away from the online noise.
Par une ironie d’une cruauté insoutenable, Jean-François Richard, qui lui avait dégoté ce stage providentiel, avait créé la formation au reportage de guerre à l’AFP. Arman est « seulement » le 25e journaliste mort dans l’exercice de ses fonctions depuis la création de l’agence en 1944, en grande partie grâce au travail de Jean-François. ↩︎