Arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne sur les rulings fiscaux irlandais en faveur d’Apple et sur l’(in)adéquation de la protection assurée par le privacy shield, piratage spectaculaire de Twitter… j’ai bien choisi ma semaine pour faire une « pause »1. Je ne peux pas résister à l’envie de commenter le débat sur l’instauration de quotas sur les forfaits d’accès à internet, ouvert par un rapport du Sénat sur les connexions mobiles et relancé par une proposition du CNNum sur les connexions fixes. Sébastien Soriano, le président de l’Arcep, répond par un « non » en majuscules, pourquoi pas. Mais justement, pourquoi pas ?

Les effets pervers sont évidents :

Mais il n’est jamais bon de définir la règle depuis les exceptions. De manière plus fondamentale :

Imaginez-vous réduire le débit d’une arrivée d’eau, ou la qualité d’une alimentation électrique, au-delà d’une certaine consommation ? C’est un choix de société comme un autre, et la vie en démocratie n’est qu’une longue succession de choix. Mais est-ce un choix souhaitable, ou seulement raisonnable ? Limiter l’accès à internet, d’une manière ou d’une autre, revient à limiter la portée d’un droit fondamental. J’aime l’objectif de sobriété, je déteste le principe privatif.

Or je crois que l’on peut promouvoir la modération de manière plus subtile :

Reste que ces mesures rêvées ne feraient que promouvoir le principe d’une consommation raisonnée et le choix de la modération en toutes choses4, sans changer grand-chose à la consommation des réseaux. Eh oui : qu’elles fassent transiter quelques gigaoctets ou plusieurs pétaoctets, les fibres et les antennes consomment peu ou prou la même chose. Mais les « responsables » politiques les plus bruyants sont souvent les moins informés, leurs partisans préfèrent l’orthodoxie à la curiosité, et la plupart de mes confrères méritent leur première syllabe…


  1. Même si, dans les conditions actuelles, les congés ressemblent beaucoup au travail. ↩︎

  2. Heureusement, je consomme environ deux fois moins que ce que je pensais. Tant mieux pour l’environnement, tant pis pour mon idée de dossier sur la sobriété numérique. ↩︎

  3. Et c’est ainsi que naissent des débats absurdes, car fondés sur une compréhension très parcellaire des technologies et une estimation très fantaisiste de leur consommation énergétique, comme celui autour de la 5G ces derniers mois. Pour autant que l’on puisse parler de débat quand les mots n’ont plus aucun sens. ↩︎

  4. Je le dis en connaissant mes propres travers : j’ai réduit le volume de mes déchets ménagers mais j’achète encore des produits emballés, je me rapproche doucement du végétarisme mais je ne refuse jamais une côte de bœuf, je n’achète quasiment plus de produits neufs mais je viens de lancer un guide d’achat, je privilégie les circuits courts et la production bio mais je n’ai jamais autant bu de cafés et de thés plus exotiques les uns que les autres… ↩︎