Tim Cook, dans une interview au Sydney Morning Herald :
We don’t believe in sort of watering down one for the other. Both [The Mac and iPad] are incredible. One of the reasons that both of them are incredible is because we pushed them to do what they do well. And if you begin to merge the two … you begin to make trade offs and compromises.
So maybe the company would be more efficient at the end of the day. But that’s not what it’s about. You know it’s about giving people things that they can then use to help them change the world or express their passion or express their creativity. So this merger thing that some folks are fixated on, I don’t think that’s what users want.
« You can converge a toaster and a refrigerator », disait Tim Cook il y a six ans déjà, « but you know those things are probably not going to be pleasing to the user. » Qu’il se sente obligé de le répéter à quelques semaines de la WWDC, sur fond de rumeurs autour du projet « Marzipan », montre qu’il souhaite reprendre le contrôle sur une communication brouillée par les déclarations contradictoires d’ânalystes et autres experts autoproclamés.
Du noyau aux bibliothèques multimédia, en passant par Core OS et les Core Services, tous les systèmes d’Apple reposent sur les mêmes bases1. Seules les couches supérieures, les frameworks applicatifs et l’interface machine-humain, changent de système en système2. Enfin, tous les appareils utilisent les mêmes services, et s’échangent contexte et données de manière transparente. Si je voulais filer une métaphore architecturale, je dirais que les fondations sont communes, que la même eau coule dans tous les tuyaux, mais que les façades sont bigarées. Les fondations seront renforcées, les tuyaux seront remplacés, mais les façades ne seront jamais repeintes du même blanc.
Apple est persuadée qu’une « expression matérielle »3 différente exige une « expression logicielle » différente. Depuis plus de quarante ans, elle répète que le matériel informe le logiciel et que le logiciel révèle le matériel4, une réflexion aujourd’hui enrichie par le rôle des services. Cette conviction la distingue de Google et de Microsoft, qui pensent que toutes les « expressions matérielles » doivent être unifiés derrière une même « expression logicielle », et qu’il faudrait d’ailleurs unifier les « expressions matérielles ».
Ces sociétés soutiennent une unité cosmétique : leur image de marque prime sur les fonctionnalités. Apple soutient une unité fonctionnelle : les usages priment sur la cohérence visuelle. Ce n’est pas un détail d’implémentation, mais une différence d’approche majeure. Apple marque sa présence sur le matériel avec un gros logo brillant, et peut donc plus facilement réserver une (petite) place aux besoins de l’utilisateur dans le logiciel5. Et laisser chaque matériel s’exprimer pleinement à travers un logiciel dédié.
Avec des différences sensibles entre la pile technologique de macOS et celle d’iOS et ses dérivés. Reste que les plus anciens composants de macOS sont progressivement remplacés par des composants communs, aussi peut-on dire que les ingénieurs d’Apple ne développent qu’une seule pile technologique « de nouvelle génération ». ↩︎
La confusion entre application (comment les données sont manipulées par le système) et interface (comment les données sont manipulées par l’utilisateur) explique le flou qui règne autour du projet Marzipan. Les développeurs devraient bientôt pouvoir développer la même application pour iOS et macOS, mais cette application « projettera » une interface sur le petit écran d’un iPhone et une autre sur le grand écran d’un iMac Pro, de la même manière que les applications iOS universelles « projettent » des interfaces différentes sur iPhone et sur iPad. ↩︎
Ma traduction très personnelle du terme form factor. À terme, tous les appareils d’Apple utiliseront peu ou prou le même jeu de composants. Mais combinés d’une manière différente, ils prendront différentes expressions, adaptées à différents contextes et différents usages. ↩︎
Un seul exemple : la manipulation directe avec le doigt est moins précise que la manipulation indirecte avec la souris, alors les éléments d’interface d’iOS doivent être plus gros que ceux de macOS. Le matériel informe le logiciel. On pourrait justifier le grossissement des éléments d’interface de macOS par la loi de Fitts, mais on le voit avec Windows, le simple mimétisme finit par être contre-productif. Le logiciel révèle (ou, dans ce cas, entrave) le matériel. ↩︎
C’est à chaque fois qu’elle l’oublie que naissent les pires frustrations. Comment interagir avec l’Apple Watch ? « Avec des applications ! » a répondu une Apple qui voulait promouvoir la marque App Store. « En fait on va faire autre chose », dit maintenant une Apple qui a pris conscience de son erreur. Les informations remontent maintenant sur le cadran, là où elles auraient toujours dû être, puisque le cadran est le cœur de l’interface… d’une montre. Pour les mêmes raisons, la simple transposition de la métaphore du Bureau sur l’iPad aurait été un désastre. ↩︎