Repenser l’Apple Watch (5)
Une autre manière d’écrire l’épisode précédent.
L’iPhone n’est pas un téléphone, mais un appareil photo1 dont le processeur et les modems alimentent des appareils satellites. L’Apple Watch n’est pas une montre, mais un capteur biométrique2 dont le processeur et les sondes alimenteront des appareils satellites. Le mini-ordinateur a repoussé le mainframe, le micro-ordinateur a repoussé le mini-ordinateur, l’ordinateur portable a repoussé le micro-ordinateur, le smartphone a repoussé l’ordinateur portable, le smartphone sera lui-même repoussé.
Le téléphone dans la poche, la montre au poignet, les audinateurs dans les oreilles, les lunettes sur le nez, nous porterons les différents composants d’un ordinateur vestimentaire. Ici un processeur, là une batterie, ici un micro, là un hautparleur, ici un modem 5G, là un système de microlocalisation, ici un écran, là un imageur à temps de vol… L’architecture est décentralisée pour s’adapter au corps, l’architecture est décentralisée comme celle du corps3.
C’est le dernier pas avant une informatique biologique, dont certains composants passeront sous la peau. Ce déplacement de quelques millimètres aura des effets à l’échelle de la planète. On peut jeter un ordinateur par la fenêtre, on ne peut pas retirer une interface neuronale sans une opération chirurgicale. La vie — au moins sociale — dépendra de chères prothèses et d’abonnements mensuels.
Un scénario de science-fiction ? Dans les détails, sans doute, mais dans les grandes lignes, c’est déjà une réalité. Les pacemakers et les pompes à insuline sont des prothèses connectées qui peuvent être piratées, les implants cochléaires sont des interfaces neuronales qui changent le rapport au monde comme à soi-même4, les chercheurs font marcher des paralytiques et voir des aveugles.
Les questions posées par ces appareils, dont l’emploi peut être une question de vie ou de mort, seront les questions que poseront bientôt des gadgets, dont l’emploi ne sera peut-être qu’une question de confort. Et si l’on y répondait dès aujourd’hui, plutôt que d’attendre que les fabricants de ces appareils soient plus gros que les États qui pensent envisager de commencer à plancher sur l’organisation d’une commission pour jauger l’intérêt de demander un rapport sur leur démantèlement ?