Lentement no 13

Lentement (13)

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Les réseaux sociaux ne sont plus rien qu’une immense scène, où les likes et les retweets tiennent lieu d’applaudissements. Pour être considéré comme un spécialiste de tel ou tel domaine, il ne faut pas seulement l’être. Il faut aussi le dire, il faut surtout le dire, il faut peut-être même seulement le dire. Le plus fort possible, le plus souvent possible.

La communication se confond avec la connaissance, la publicité avec l’expérience1, le dire avec le faire. Le conformisme communicationnel est érigé en vertu, la prétention à l’authenticité devient suspecte, la remise en cause de l’orthodoxie du flux est un crime. La cancel culture est le cancer de la culture.

Je respecte trop mon attention pour exiger la vôtre, et puis j’ai toujours préféré laisser mon travail parler pour moi. Mais en refusant de jouer le jeu de cette économie de la mise en scène permanente, je condamne mon travail à l’obscurité. Je suis – déjà, mais ce n’est pas une question d’âge – un vieux con. Tant pis pour ma carrière. Tant mieux pour ma santé mentale.

Regarder

Superstore (Justin Spitzer). Le manager qui veut tant être aimé de ses salariés qu’il en oublie de travailler, l’assistant colérique au physique difficile, la jolie fille dans une relation qui s’essouffle, le joli garçon qui débarque et casse tous les équilibres… Superstore est un meilleur clone de The Office2 que Space Force, parce que la présence de Steve Carell importe moins que la collection de seconds rôles au rôle tout sauf secondaire.

Urbanized et Workplace (Gary Hustwit). Je n’avais jamais vu ces deux documentaires de Gary Hustwit, alors que je regarde les autres en boucle. Urbanized reprend la perspective kaléidoscopique qui fait le succès d’Objectified, sans tomber dans les travers du manichéisme un peu naïf d’Helvetica. Workplace m’a beaucoup moins passionné, parce qu’il tourne autour de son objet, le processus de conception et de construction du nouveau siège social de l’agence publicitaire R/GA, sans jamais le montrer.

Hamilton: An American Musical (Lin-Manuel Miranda). Jusqu’ici, j’avais résisté au phénomène, moins par cette forme de nihilisme mondain qui s’est répandue comme le coronavirus que par désintérêt complet des comédies musicales. Sauf que je sifflote ‌You’ll Be Back depuis quatre jours. Je suppose que j’aime les comédies musicales ?

Sister Act (Emile Ardolino) et Sister Act 2 : Back in the Habit (Bill Duke). Officiellement, parce qu’il faut rentabiliser la période d’essai à Disney+.

Écouter

Bach : Cantatas, vol. 13 (Bach Collegium Japan/Masaaki Suzuki). Doucement mais surement, je progresse dans mon audition des cantates de Bach. Très doucement.

Pick Me Up Off the Floor (Norah Jones). Après Day Breaks et Begin Again, je m’attendais à un son toujours plus pop. Mais non, Pick Me Up Off the Floor est bien un album de jazz. Ce n’est pas l’easy listening façon lounge d’aéroport de Diana Krall, ce n’est pas l’air du Sud délicieusement chanté par Madeleine Peyroux, mais cela fait une parfaite bande-son de fin de soirée avec une bonne bière. Je ne déteste pas.

Lire

Plus qu’un ouvrage sur les biais cognitifs qui affectent la perception du monde qui nous entoure, Factfulness s’est révélé être un manuel du petit industriel à la recherche de nouveaux débouchés. Pas étonnant que ce soit le livre de chevet de Bill Gates ! Avant de finir La véritable histoire de l’Ouest américain du regretté Jacques Portes, je vais lire quelques romans graphiques, dont le Orwell de Christin et Verdier. Par ailleurs, je retiens ces articles :


  1. Pics, or it didn’t happen. ↩︎

  2. Dont Justin Spitzer, le créateur de Superstore, a écrit quelques-uns des meilleurs épisodes. ↩︎