Notes

Lâcher prise

Publié le

Jason Kottke, Nieman Journalism Lab :

Sometime in the past few years, the blog died. In 2014, people will finally notice. Sure, blogs still exist, many of them are excellent, and they will go on existing and being excellent for many years to come. But the function of the blog, the nebulous informational task we all agreed the blog was fulfilling for the past decade, is increasingly being handled by a growing number of disparate media forms that are blog-like but also decidedly not blogs.

La plupart des réseaux sociaux ont repris le format du blog, mais pas sa fonction. Twitter, Facebook et les autres éclatent notre personnalité : nous sommes ici auteurs d’aphorismes, là photographes, de ce côté procrastineurs, un peu plus loin mélomanes. Le fil antéchronologique du blog est au contraire un fil rouge, un fil qui circonscrit l’expression d’une personnalité dans sa diversité. Une distinction cruciale, comme l’explique Frank Chimero :

I feel split and overwhelmed, because these networks are sorted by what things are (a photo, video, snarky quip, etc.), rather than who made them. My brain works in the opposite way. It’s people first, so I don’t think “I would like to see photos,” I ask myself, “I wonder what Josh has been up to?”

Les réseaux sociaux ont consacré les profils pour mieux détruire les individus : leurs personnalités émiettées deviennent « le flux », moteur et effet d’un esprit de ruche numérique. La décentralisation des moyens de communication et de diffusion de l’information nous a donné un porte-voix, nous l’utilisons dans une gigantesque chambre d’écho aux murs lisses et placardés de pubs.

« It seems the best way for me to do this is to step out of the stream » poursuit Chimero, qui fait du blogging une nouvelle Frontière et des blogs de nouveaux homesteads. Sur la Frontière, le colon cassait son coin de forêt, construisait sa petite maison et semait son carré de blé. Sur le web, les blogueurs configurent leurs CMS, bidouillent leur thème et sèment leurs idées. Et ces derniers mois, j’ai passé beaucoup plus de temps à configurer et bidouiller qu’à semer — si j’avais été un colon, je n’aurais pas passé l’hiver.

J’ai pourtant réfléchi, beaucoup réfléchi, plus peut-être que ces cinq dernières années. Et j’ai écrit, beaucoup écrit, plus sans aucun doute que ces cinq dernières années. Mais j’ai peu publié, très peu publié, moins qu’en un mois de n’importe quelle de ces cinq dernières années.

Je pourrais dire que je suis perfectionniste, mais le perfectionnisme est créateur et c’est bien une force destructrice qui est à l’œuvre. Non, je suis maniaque : réécrire une phrase ne suffit pas, il faut aussi que je change le paragraphe, l’article, la mise en page, et le moteur de publication. Et lorsqu’il est temps de passer à la phrase d’après, il faut que je change à nouveau le paragraphe, l’article, la mise en page et le moteur de publication.

Tout ça pour repousser la publication, non pas seulement par peur de faire moins bien qu’un autre, mais (vanité des vanités) de faire moins bien que moi. Il m’a fallu des mois pour le comprendre, des mois d’un tiraillement matérialisé par un éparpillement. J’ai émietté ma personnalité pour me noyer dans le flux, ici le moi qui écrit sur les usages de l’informatique, là le moi qui peine à reprendre ses recherches universitaires, là encore le moi qui écoute de la musique, partout le moi qui refuse d’être moi.

Si le blog est un homestead, les réseaux sociaux sont de grands ensembles, des solutions clefs en main proposant tout le confort moderne au détriment de toute originalité. La solution à mon problème est peut-être à mi-chemin, dans le pavillon de banlieue acheté sur plan. Non, je n’ai plus le contrôle absolu sur les murs et la déco, mais je suis chez moi. Et je suis moi.

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