Le futur de la médecine, de la mobilité… et des smartphones
Le futur de la médecine, ce n’est pas (seulement) le développement de nouvelles molécules pour remplir les caisses de big pharma. C’est l’intervention avant que les pilules ne soient nécessaires, la révolution de la médecine préventive qui nous permettra d’améliorer notre compréhensions des maladies cardio-vasculaires et dégénératives, et de combattre plus efficacement les troubles métaboliques et les cancers. C’est un accès aux soins permanent et pervasif, avec la généralisation de l’ambulatoire et le développement de la télé-médecine. C’est un enjeu de civilisation non pas seulement dans nos pays développés qui vieillissent, mais aussi dans les pays « en développement » dont la jeunesse doit être bonne santé si l’on veut qu’elle puisse étudier avec un nouveau regard les problèmes colossaux du réchauffement climatique et de la survie d’une dizaine de milliards de terriens.
Le futur de la mobilité, ce n’est pas (seulement) le développement de nouvelles boîtes métalliques capables de franchir les 100 km/h en moins de trois secondes, quand bien même elles seraient électriques. C’est la conception d’un réseau de transport, qui sera aux voitures actuelles ce qu’internet était au téléphone, colonne vertébrale de villes plus intelligentes et plus flexibles. C’est la fin du règne de la voiture individuelle, au profit de véhicules partagés, d’un service de transport multiforme. C’est un enjeu social majeur, non seulement parce que l’autonomie et la réalité augmentée promettent de « libérer » des milliards d’heures de travail et de loisir aujourd’hui perdues dans les bouchons, mais aussi parce que la morphologie et la culture des centres urbains seront bouleversées.
Des scénarios de science-fiction ? Dans les détails sûrement, mais les grandes lignes sont déjà tracées. Les réformes des systèmes de santé imposent le recours à l’ambulatoire et la télé-médecine, les chercheurs n’hésitent plus à exploiter les données collectées par les smartphones et les montres connectées. Un quart des jeunes Américains et près d’un tiers des jeunes Français n’ont pas le permis, les villes se transforment en laissant place au vélo, la micro-mobilité est un terrain d’expérimentation passionnant (et lucratif). Cet exercice me semble utile pour réfléchir au futur de l’informatique, et plus particulièrement au futur de l’ordinateur personnel, c’est-à-dire le futur du smartphone.
En adoptant le même raisonnement, on dépasse les écrans pliants et les batteries aussi fines qu’une feuille de papier, les verres incassables et les capteurs de 100 Mpx, la recharge ambiante et les connexions ultra-über-méga-rapides. Ces progrès changeront tout (à l’échelle de la décennie et du marché), mais ne changeront rien (à l’échelle du siècle et de la société). Imaginons plutôt, à la lumière du développement de la réalité augmentée et de l’intelligence artificielle, que l’écran1 disparaisse. L’informatique ne serait plus incarnée, comme elle l’est depuis plus de 60 ans, par une boîte émettant une douce lumière bleutée.
Le nuage serait d’autant plus évanescent (et nécessaire) et les intelligentes artificielles seront d’autant plus pervasives (et invasives) qu’ils n’auront plus de manifestations tangibles. Notre sens du toucher serait « libéré », mais d’autres sens seront saturés2 : la vision (réalité augmentée, interfaces dématérialisées) et l’ouïe (assistants personnels, interfaces vocales). Les détails sont flous, mais les grandes lignes sont déjà tracées : tout cela va — vite — arriver. Et c’est dès maintenant qu’il faut imaginer les probables dérives et proposer les normes sociales adéquates, comme c’est dès maintenant qu’il faut encadrer la « nouvelle médecine » et le « nouvel urbanisme ».
La surface d’affichage clairement définie dans l’espace physique, que je peux toujours voir, généralement toucher, et parfois contrôler directement (avec une interface tactile) ou indirectement (avec un clavier et une souris, une télécommande, une application…). ↩︎
Avec tous les problèmes d’accessibilité que cela posera. ↩︎