Brit Bennett — The Vanishing Half
Nous faisons les dieux à notre image, et les Romains n’auraient pu choisir meilleur deus pater que Janus. Ce n’est pas seulement le dieu bifrons qui regarde vers l’avenir, et construit ces chemins qui nous mènent toujours à Rome, sans jamais se détourner du passé, et maintenu les fils qui nous ramènent à Ithaque.
C’est le dieu de la fin d’une Antiquité qui se nourrissait des métissages et du commencement d’un long Moyen-Âge qui ne tolère guère la différence. C’est le dieu d’un Est civilisé et d’un Ouest barbare, à moins qu’il ne s’agisse d’un Ouest civilisé et d’un Est barbare. C’est le dieu de la mare nostrum vers laquelle nous nous tournions, et de la mare eorum à laquelle nous tournons le dos.
C’est un dieu à la fois noir et blanc, en somme, comme les jumelles Vignes. Voilà pourquoi je m’étais gardé The Vanishing Half pour ce mois de janvier qui célèbre Janus, le dieu double et dédoublé, qui montre la fragilité de nos identités1. « There were many ways to be alienated from someone, few to actually belong » : Brit Bennett m’a rappelé la force du roman, ce formidable objet de fiction qui travaille la réalité au travers du lecteur, qui dit la vérité en mentant.
Notes
p. 17 :
A town always looked different once you’d returned, like a house where all the furniture had shifted three inches. You wouldn’t mistake it for a stranger’s house but you’d keep banging your shins on the table corners.
p. 324-325 :
Memory works that way — like seeing forward and backward at the same time. In that moment, she could see in both directions. She saw herself as a little girl — eager, pestering, clambering to be close to a mother who never wanted her to be.