I hefted the Clement Street starter in its crock and held it out to Agrippa for inspection. He eyed it, then me.
“Oh, I can’t do anything about that.”
“What?”
“You think I’m a sourdough mechanic, and you just drop it off? No, ma’am. I will tell you what I know. How you apply that knowledge to your particular technology there is up to you.”
“You keep calling it technology.”
“Technology it is. Come on. I want you to see the cave.”

Je n’ai pas pu m’empêcher de cuire une miche pendant la lecture. Permettez-moi donc de vous confier la recette de mon pain de châtaigne, qui forme le tiercé de mes pains favoris1 avec le pain de noisette que certaines fermières creusoises font encore lever au coin du fourneau et le pain de petit épeautre porté par le boulanger de la rue Sébastien Gryphe au point où la réaction de Maillard est indifférenciable de la carbonisation.

Ingrédients

Instructions

  1. Réveillez la levure boulangère avec un peu d’eau tiède et une cuillère de farine semi-complète, ou bien prélevez votre levain.
  2. Mélangez les farines et le sel. Ajoutez la levure ou le levain, mais probablement pas les deux en même temps, et la quantité d’eau appropriée.
  3. Mélangez à la cuillère, avant de renverser la préparation sur votre plan de travail. Pétrissez pendant dix à quinze minutes. Si le pâton colle aux doigts, vous n’avez pas assez pétri, s’il reste le moindre grain de farine sur votre plan de travail, vous n’avez pas assez pétri, si vous pensez que vous avez assez pétri, vous n’avez pas assez pétri.
  4. Laissez lever pendant deux heures, ou jusqu’au doublement de volume du pâton, en recouvrant d’un torchon transmis de génération en génération.
  5. Rabattez et façonnez le pâton.
  6. Recouvrez la grille de votre four d’une feuille de papier cuisson, déposez le pâton, puis laissez pointer pendant trente minutes.
  7. Préchauffez votre four à 220 °C, en plaçant une plaque à pâtisserie au cran le plus bas.
  8. Grignez le pâton et enfournez avec la grille à mi-hauteur. Versez un petit verre d’eau sur la plaque à pâtisserie pour créer un nuage de vapeur et fermez la porte du four immédiatement. Si vous n’avez pas de plaque, aspergez généreusement votre pain avec le vaporisateur que vous utilisez pour maintenir des conditions tropicales autour de votre areca dramaqueena major.
  9. Baissez la température à 200 °C et retenez-vous d’ouvrir la porte du four pendant quarante minutes.
  10. Laissez refroidir complètement avant, comme toujours, de vous étonner d’avoir mangé la miche entière en moins de temps qu’il n’a fallu pour la préparer.

En apparence, Sourdough est un roman consacré aux relations entre une jeune programmeuse et un levain sentient. En réalité, c’est un essai consacré aux défaillances des sociétés industrialisées et informatisées. Robin Sloan fait montre d’une nostalgie certaine pour le « vieil » internet, celui des forums et des e-mails qui donnaient vie aux catalogues des bibliothèques, et d’un certain dédain pour le « nouvel » internet, celui des objets et des applications qui dépérit sur les écrans des smartphones.

Mais un levain n’est pas moins technique qu’un bras robotisé et les bactéries sont indubitablement plus intelligentes que les algorithmes. Le levain exige notre attention, nous demande de mobiliser nos sens, nous empêche d’être des spectateurs passifs et nous replace au sein du vivant. C’est une formidable technologie, parce qu’elle procède de la nature avant de procéder de notre nature. Les technologies les plus inhumaines sont souvent celles qui ont oublié ce lien primordial.

Notes

Une réflexion que je me suis faite en visitant le site de Robin, qui ressemble beaucoup aux précédentes incarnations de Zinzolin :

The internet: always proving that you’re not quite as special as you suspected.

  1. Le mérite revient surtout aux comballes et aux aguyanes des Champs d’Aubignas, mais je n’exclus pas une forme de mémoire génétique↩︎