Facile parfois, provocateur souvent, plaisant toujours. Du Serres, en somme.

Notes

Sur l’élite française, p. 11 :

Avant, je veux dire pendant l’Occupation, mille mots allemands fleurissaient sur les murs de Paris et les autres villes de France. J’y ai pris l’horreur des langues dominantes et l’amour de celles que l’on veut éradiquer. Comme je compte, aujourd’hui, plus de mots américains en ces mêmes lieux que de mots destinés aux nazis à l’époque, je cherche à défendre la langue française, celle désormais des pauvres et des assujettis. Et constate que, de père en fils, les collabos de cette importation se recrutent dans la même classe, dite d’élite.

De la différence entre le manuel et l’intellectuel, p. 37 :

Chargé, bien plus tard, de préparer les normaliens à l’agrégation, j’écoutai un exposé, d’une haute volée d’abstraction, dit par un jeune savant promis à une destinée de star, sur la différence entre un travailleur manuel et un intellectuel. À l’époque, le marxisme régnait sans partage dans l’auguste maison et l’étudiant citait les génies obligés, Staline, Mitchourine, Mao… Au moment de la prise, j’énonçai cette chose simple, qui mit en fureur la vedette en herbe, que le manuel se lavait les mains avant de pisser, alors que l’intellectuel le faisait après.

Le frustrant délice de l’asynchrone, le doux supplice du synchrone, p. 81 :

Qui désormais comprend à quel point nous avons attendu, consumés de patience ? Longitudine dierum replebo eum : je le remplirai de la longueur des jours. Qui évaluera ce que les religions, les cultures, les littératures et les poésies, les morales, les philosophies, oui, toutes… durent à cette interminable suspension du désir ? Frustration, avez-vous dit ? Qui estime aujourd’hui à sa juste valeur l’accès universel, en temps réel, à tout lieu, à toute personne, à toute information, l’immédiateté de toute communication et, parfois, des assouvissements ?