Notes

Dans l’introduction, p. 6-7 :

C’est l’âme qui aime Dieu, et les hommes aussi ont une âme, et bien embarrassée de choses souvent qui les arrêtent trop d’aller jusqu’au Christ, comme l’observait finement ce docte et saint abbé Huvelin, le père spirituel et l’ami de Charles de Foucauld : “Saint François s’adresse aux hommes comme aux femmes ; je dirais même que la Vie dévote s’adresse plus particulièrement aux hommes. Qu’est-ce qui arrête la conversion de la plupart d’entre eux ? C’est qu’ils sentent leur misère, le fond si misérable de leur âme et qu’ils se disent : Comment approcher avec cela, c’est impossible. Alors on attend un jour, qui ne viendra jamais, où l’on aura mis tout cela sous les pieds et où l’on pourra se précipiter vers Dieu. Mais vous êtes malade et vous attendez votre guérison pour oser aller trouver le médecin !… On n’ose pas !… Il y a là un grand écueil pour la conversion. La communion guérirait l’âme, mais l’idée fausse que celle-ci se forme de la dévotion l’éloigne, et le jour où elle se croira en état de la recevoir ne viendra jamais. Écoutez saint François de Sales : Encore que je me sente misérable, je ne me trouble pas, et quelque fois je suis joyeux, sentant que je suis une vraie bonne besogne pour la miséricorde de Dieu. C’est le mot charmant d’une âme qui conserve sa sérénité en comptant sur Dieu et non sur soi, en faisant arme de sa misère : notre misère, n’est-ce pas un titre à la miséricorde divine ?” (Abbé Huvelin, Quelques directions d’âmes du XVIIe siècle, 1911, p. 20.)

La meilleure façon d’apprendre, p. 15 :

Au demeurant, mon cher Lecteur, il est vrai que j’écris de la vie dévote sans être dévot, mais non pas certes sans désir de le devenir, et c’est encore cette affection qui me donne courage à t’en instruire ; car, comme disait un grand homme de lettres, la bonne façon d’apprendre c’est d’étudier, la meilleure c’est d’écouter, et la très bonne c’est d’enseigner. Il advient souvent, dit saint Augustin, écrivant à sa divine Florentine, que “l’office de distribuer sert le mérite pour recevoir”, et l’office d’enseigner, de fondement pour apprendre.

Grâce, charité, et dévotion, p. 18 :

La vraie et vivante dévotion, ô Philothée, présuppose l’amour de Dieu, ains elle n’est autre chose qu’un vrai amour de Dieu ; mais non pas toutefois un amour tel quel : car, en tant que l’amour divin embellit notre âme, il s’appelle grâce, nous rendant agréables à sa divine Majesté ; en tant qu’il nous donne la force de bien faire, il s’appelle charité ; mais quand il est parvenu jusques au degré de perfection auquel il ne nous fait pas seulement bien faire, mais nous fait opérer soigneusement, fréquemment et promptement, alors il s’appelle dévotion.

Le fameux « vive Jésus ! », p. 58 :

O mon Dieu, vous êtes mon Dieu, Dieu de mon cœur, Dieu de mon âme, Dieu de mon esprit ; ainsi je vous reconnais et adore maintenant et pour toute l’éternité. Vive Jésus !

Le nom de baptême, p. 97 :

Choisissez quelques Saints particuliers, la vie desquels vous puissiez mieux savourer et imiter, et en l’intercession desquels vous ayez une particulière confiance : celui de votre nom vous est déjà tout assigné dès votre Baptême.

« La connaissance engendre la reconnaissance », p. 129 :

Au contraire, la vie considération des grâces reçues nous humbles ; car la connaissance engendre la reconnaissance.

De la fausse humilité, p. 131 :

Plusieurs disent qu’ils laissent l’oraison mentale pour les parfaits, et qu’eux ne sont pas dignes de la faire ; les autres protestent qu’ils n’osent pas souvent communier, parce qu’ils ne se sentent pas assez purs ; les autres, qu’ils craignent de faire honte à la dévotion s’ils s’en mêlent, à cause de leur grande misère et fragilité ; et les autres refusent d’employer leur talent au service de Dieu et du prochain parce, disent-ils, qu’ils connaissent leur faiblesse et qu’ils ont peur de s’enorgueillir s’ils sont instruments de quelque bien, et qu’en éclairant les autres ils se consument. Tout cela n’est qu’artifice et une sorte d’humilité non seulement fausse, mais maligne, par laquelle on veut tacitement et subtilement blâmer les choses de Dieu, ou au fin moins, couvrir d’un prétexte d’humilité l’amour-propre de ses opinions, de son humeur et de sa paresse.

« Qui veut avoir réputation envers tous, la perd envers tous », p. 139 :

La crainte excessive de perdre la renommée témoigne une grande défiance du fondement d’icelle, qui est la vérité d’une bonne vie. Les villes qui ont des ponts de bois sur des grands fleuves craignent qu’ils ne soient emportés à toutes sortes de débordements ; mais celles qui les ont de pierre n’en sont en peine que pour des inondations extraordinaires : ainsi ceux qui ont une âme solidement chrétienne méprisent ordinairement les débordements des langues injurieuses ; mais ceux qui se sentent faibles s’inquiètent à tout propos. Certes, Philothée, qui veut avoir réputation envers tous, la perd envers tous ; et celui mérite de perdre l’honneur, qui le veut prendre de ceux que les vices rendent vraiment infâmes et déshonorés.

Il n’y a pas de bonne colère, p. 143-144 :

Ainsi, tandis que la raison règne et exerce paisiblement les châtiments, corrections et répréhensions, quoique ce soit rigoureusement et exactement, chacun l’aime et l’approuve ; mais quand elle conduit avec soi l’ire, la colère et le courroux, qui sont, dit saint Augustin, ses soldats, elle se rend plus effroyable qu’amiable, et son propre cœur en demeure toujours foulé et maltraité. “Il est mieux”, dit le même saint Augustin écrivant à Profuturus, “de refuser l’entrée à l’ire juste et équitable que de la recevoir, pour petite qu’elle soit, parce qu’étant reçue, il est malaisé de la faire sortir, d’autant qu’elle entre comme un petit surgeon, et en moins de rien elle grossit et devient un poutre.” Que si une fois elle peut gagner la nuit et que le soleil se couche sur notre ire (ce que l’Apôtre défend), se convertissant en haine, il n’y a quasiment plus moyen de s’en défaire ; car elle se nourrit de mille fausses persuasions, puisque jamais nul homme courroucé ne pensa son courroux être injuste.

Il est donc mieux d’entreprendre de savoir vivre sans colère que de vouloir user modérément et sagement de la colère, et quand par imperfection et faiblesse nous nous trouvons surpris d’icelle, il est mieux de la repousser vitement que de vouloir marchander avec elle ; car pour peu qu’on lui donne de loir, elle se rend maîtresse de la place et fait comme le serpent, qui tire aisément tout son corps où il peut mettre la tête.

De la différence entre le soin et le souci, p. 149 :

Le soin et la diligence que nous devons avoir en nos affaires sont choses bien différentes de la sollicitude, souci et empressement. Les Anges ont soin pour notre salut et le procurent avec diligence, mais ils n’en ont point pour cela de sollicitude, souci, ni d’empressement ; car le soin et la diligence peuvent être accompagnés de la tranquillité et paix d’esprit, mais non pas la sollicitude ni le souci, et beaucoup moins l’empressement. Soyez donc soigneuse et diligente en tous les affaires que vous aurez en charge, ma Philothée, car Dieu vous les ayant confiés veut que vous en ayez un grand soin ; mais s’il est possible, n’en soyez pas en sollicitude et souci, c’est-à-dire, ne les entreprenez pas avec inquiétude, anxiété et ardeur. Ne vous empressez point à la besogne : car tout sorte d’empressement trouble la raison et le jugement, et nous empêche même de bien faire la chose à laquelle nous nous empressons.

Se faire violence, p. 287 :

La bienheureuse Angèle de Foligni dit que “l’oraison la plus agréable à Dieu est celle qui se fait par force et contrainte”, c’est-à-dire celle à laquelle nous nous rangeons, non point pour aucun goût que nous y ayons, ni par inclination, mais purement pour plaire à Dieu, à quoi notre volonté nous porte comme à contre cœur, forçant et violentant les sécheresses et répugnances qui s’opposent à cela. J’en dis de même de toutes sortes de bonnes œuvres ; car plus nous avons des contradictions, soit extérieures, soit intérieures, à les faire, plus elles sont estimées et prisées devant Dieu. Moins il y a de notre intérêt particulier en la poursuite des vertus, plus la pureté de l’amour divin y reluit : l’enfant baise aisément sa mère qui lui donne du sucre ; mais c’est signe qu’il l’aime grandement, s’il la baise après qu’elle lui aura donné de l’absinthe ou du chicotin.