En rangeant ma pile de lectures en souffrance, qui compte encore quinze titres, j’ai malencontreusement interverti De chair et d’os (Folio policier № 785) et Une offrande à la tempête (Folio policier № 826). J’ai donc continué la trilogie du Baztan par la fin. Quel dommage ! Ce n’est pas qu’Une offrande à la tempête m’ait (divul)gâché De chair et d’os, ou tellement si peu, mais j’aurais préféré cette longue ellipse qui donnait l’impression de retrouver l’inspectrice Salazar comme on retrouve des amis perdus de vue.

Qu’on ne dise pas que je n’ai pas laissé une chance, et même trois, à Dolores Redondo. J’étais prêt à croire qu’elle avait vraiment laissé passer quelques années de narration entre deux tomes pour faire avancer le mystère à mesure qu’elle réparait ses omissions. Mais non, Une offrande à la tempête n’est rien d’autre que la suite chronologique d’une trilogie qui n’en est pas une, puisque c’est la même intrigue — somme toute convenue — qui s’étale sur 1 500 pages.

Redondo refuse d’aller au bout du roman historique, sans pouvoir s’empêcher de longues digressions de première de la classe. Redondo refuse d’aller au bout du roman familial, mais esquive un conflit évident tout en cassant l’élastique qui maintenait la famille Salazar sous tension. Redondo refuse d’aller au bout du roman fantastique, se contentant de monstres terriblement humains. Redondo refuse même d’aller au bout du roman policier.

Réduite au rang de potiche victime de ses pulsions libidinales, l’inspectrice Salazar n’est plus que spectatrice du dépérissement (avorté) de son mariage, du rabibochage (mensonger) de ses sœurs et finalement de la résolution (frustrante) de l’affaire derrière les affaires. C’est peut-être comme cela que l’on devrait lire les séries, un tome sur deux, pour mieux juger de la capacité d’une autrice à décrire son héroïne sans le confort de la chronologie. Ou s’éviter la moitié de la lecture1 quand elle n’y parvient pas.


  1. Mais De chair et d’os ne pourra sortir de la pile des lectures en souffrance sans avoir été lu, donc… ↩︎