La maquette de cette édition « revue et enrichie » au format poche est déconcertante. Je suppose que les apartés qui saucissonnent le texte prenaient la forme d’encadrés dans l’édition en grand format. Ils hachent la lecture d’un ouvrage déjà saccadé, qui se lit moins comme un livre cohérent que comme une compilation des billets du blog d’Olivier Razemon. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas passionnant — et utile.
Notes
Le corps du cycliste comme leçon de morale, p. 36 :
Le cycliste est rapide, dépense peu d’argent pour se déplacer, il entretient son corps. Il ne donne pas toujours des leçons de morale ; il est une leçon de morale.
Les rivalités dans la jungle urbaine, p. 121 :
Mais si les modes sont concurrents, les usagers de la voirie ne doivent pas être considérés comme des rivaux. L’organisation de l’espace urbain ne vise pas à ménager, sans trop les heurter, les différentes catégories de voyageurs. Il ne s’agit pas de favoriser, partout, la cohabitation des modes comme on garantit la protection des espèces naturelles folâtrant dans la savane. Non, les piétons, cyclistes, motards et automobilistes ne sont pas des mulots, des gnous, des gazelles, des hyènes ou des léopards. Dans la ville, le mulot se fait parfois hyène, le léopard devient gazelle. En d’autres termes, il ne s’agit pas de s’attaquer aux automobilistes ou aux motards. Il s’agit en revanche de les convaincre – quitte à passer par la contrainte – d’effectuer certains trajets autrement. La nuance est de taille.
À 30 on se traine, sauf en vélo, p. 131 :
En revanche, rouler à 30 n’est pas très agréable pour l’automobiliste ou le motard, qui doit en permanence contrôler sa vitesse, se préparer à rétrograder ou à freiner, porter une attention aux cyclistes, plus nombreux, et aux piétons, moins intimidés. Impossible, dès lors, de rouler distraitement, en tenant le volant d’une main ou en téléphonant. On éprouve alors un sentiment de frustration, notamment la nuit, lorsque la circulation est lâche. On a l’impression de ne plus être un usager légitime. « À 30 à l’heure, on se traîne », entend-on souvent. C’est vrai. Et c’est très exactement l’objectif de la mesure.
Dans une ville à 30, la voiture et la moto sont des objets bienvenus. Mais pas indispensables.
L’échelle adaptée pour penser le vélo, p. 136 :
Les trajets à à vélo, compris entre 500 mètres et 10 kilomètres, doivent pour leur part se penser à l’échelle intercommunale. Le morcellement territorial, qu’on l’appelle « mille-feuilles », « pudding » ou « lasagnes », constitue une contrainte supplémentaire : chaque maire applique sa politique en fonction de l’intérêt supposé de ses électeurs. En Allemagne, ou en Italie, les municipalités sont plus vastes et plus peuplées, mieux adaptées à l’échelle cyclable. Aux Pays-Bas, la « région », un échelon plus grand qu’une municipalité et plus petit qu’une province, est responsable pour tous les moyens de transport, vélo compris.