Le succès des romans policiers tient dans le confort de leur inexorabilité. Le meurtrier sera démasqué tôt ou tard, la personnalité plus ou moins torturée de l’enquêteur et le rythme plus ou moins saccadé des rebondissements comptent plus que la résolution de l’affaire, la moindre originalité devient rapidement une norme confinant au cliché. C’est comme un sachet de soupe lyophilisée après une randonnée sous la pluie, le gout (ou ce qu’il en reste) importe moins que la sensation de chaleur.

Le goûter du lion n’est pas un roman policier, mais la mort de Shizuko est inexorable. Le confort provient de la maison de soins palliatifs plantée sur l’ile aux citrons, lieu solaire pour un roman qui l’est autant, et de ses gouters du dimanche, les mochis de Shima et la tarte aux pommes de Momo qui valent toutes les madeleines de Proust (et bien plus qu’un sachet de soupe lyophilisée). « Un corps et un cœur bien au chaud sont les clés d’une vie heureuse », les corps sont condamnés mais les cœurs se libèrent, un repas à l’orée de la mort permet de retomber en enfance.

Le cancer gagne du terrain, on voudrait ralentir la lecture pour rester quelques heures de plus dans la Maison du lion, mais la voix de Shizuko — c’est-à-dire la prose délicate d’Ogawa — résonne d’autant plus fort qu’elle s’amenuise. Le moment fatidique intervient toujours trop tôt, alors quelques appendices accompagnent le deuil du lecteur, dernier cadeau d’une autrice aussi économe que généreuse. Le gouter du dimanche n’aura plus tout à fait la même saveur.