Profession romancier, dit le titre, mais Murakami n’écrit pas que des romans. Profession romancier, donc, est une collection d’essais. L’astringence du style murakamiesque tourne à l’indigence lorsque l’auteur s’excuse d’écrire, que les mêmes anecdotes reviennent encore et encore au mot près, et que des lieux communs d’une banalité affligeante sont présentés comme des secrets. La note de la traductrice, l’excellente Hélène Morita, sur les significations des différents pronoms japonais traduits par « je » n’est pas loin d’être le passage le plus intéressant de l’ouvrage.

La pratique de la compilation n’est pas en cause : les chapitres de L’art de la fiction furent des articles dominicaux de l’Independent, mais forment un ensemble extrêmement cohérent, dont la docte densité serait oppressante sans le talent et l’humour de David Lodge. La conception de cette compilation explique tout : l’ancien professeur de littérature savait qu’il feuilletonnait une somme théorique, l’éditeur de Murakami voulait faire un coup commercial en attendant la parution d’un nouveau roman.

Profession romancier n’apprendra pas grand-chose aux apprentis écrivains et rien aux fans de Murakami, dont je ne suis pas, et dont je n’aurais aucune chance d’être un jour si je m’arrêtais à cet opuscule. Mais en le rangeant, je me suis aperçu que 1Q84 occupait le quart d’un rayonnage de ma bibliothèque. Il faudra bien que je gravisse cet Everest littéraire un jour ou l’autre, et je suis certain que j’y apprendrai plus sur la profession de romancier que dans ce recueil indolent et inconsistant.

Notes

Vous êtes bête d’écrire, aussi :

Je considère que les individus à l’esprit vif ou dotés d’une intelligence supérieure sont peu enclins à se tourner vers la littérature. Parce que, pour écrire des romans - ou des récits -, il faut adopter un rythme tranquille, rouler à vitesse réduite en quelque sorte. Pour le dire sous forme d’image : c’est un tempo qui se situerait quelque part entre la marche rapide et le vélo lent. Pour certains la conscience fonctionne à ce rythme-là, alors que d’autres ne s’y retrouvent pas.
— p. 15

Comme disait ma grand-mère :

Pour tout aspirant romancier, il est fondamental de lire beaucoup. Pardon si ces mots vous paraissent banals, mais pour qui ambitionne d’écrire des romans, lire est à mon sens l’exercice le plus précieux, ce dont on ne peut se passer. Pour être capable d’en écrire, il faut absolument comprendre et ressentir par l’exemple comment est bâti un roman. C’est quelque chose d’à peu près aussi évident que de dire : « Pour faire une omelette, il faut d’abord casser des œufs. »
— p. 86