Est-ce parce que j’ai grandi dans l’un de ces « pays perdus » aux hivers et aux visages rudes, aux paysages et aux caractères lunaires, à l’odeur et à la saveur entêtantes, à l’isolement et au voisinage oppressants, à la splendeur et à la décadence extrêmes ? Toujours est-il que je n’ai guère gouté le misérabilisme grossier de Pierre Jourde, qui se complait dans la description de villages auvergnats plus arriérés qu’ils ne le sont vraiment, et se fourvoie dans le portrait de paysans à peine moins civilisés que leurs bêtes. Le lyrisme ampoulé, qui donne l’impression que chaque page en fait deux, et les mots issus du dialecte auvergnat, qui ralentissent encore le rythme lorsqu’il faut sortir le dictionnaire, magnifient plutôt qu’ils atténuent le ressentiment primal de l’auteur envers « le pays de la merde » à peine romancé, que les habitants du véritable Lussaud lui ont bien rendu. Du lard difficile pour un critique cochon.