J’étais venu pour acheter Tant que le café est encore chaud, je n’ai pas résisté à l’idée de repartir avec Le moine de Moka, et puis de traverser la rue pour acheter quelques sachets de grains africains. Ce n’est qu’en rentrant que je me suis rappelé que Dave Eggers avait commis The Circle, cette parodie malheureuse d’une Silicon Valley plus naïve et plus idéologique qu’elle ne l’est vraiment, parfaitement adaptée sous la forme banale d’un film médiocre.

Mieux valait donc que je lise cette traduction qui laisse entrapercevoir quelques tournures pataudes, mais gomme le style emprunté de l’auteur. Eggers répète les poncifs habituels sur l’histoire légendaire du café, et n’est pas loin de plagier des articles sur la culture yéménite, mais la passion et la bravoure de Mokhtar Alkanshali finissent par l’emporter. J’attends avec impatience que son café arrive du port de Moka dans ma cafetière.

Notes

Les petites mains du café, p. 127-129 :

Tout au long du processus, des gens sont impliqués. Les cultivateurs qui plantent, surveillent, entretiennent, taillent et fertilisent leurs arbres. Les cueilleurs qui traversent les rangées d’arbustes, dans l’air raréfié des montagnes, pour choisir les cerises, uniquement les rouges, qu’ils placent une à une dans leurs seaux et leurs paniers. Les travailleurs qui transforment les cerises, principalement à la main, et retirent avec leurs doigts le mucilage collant de chaque grain. Il y a ceux qui sèchent les grains, les retournent sur les lits de séchage pour s’assurer de leur uniformité. Puis ceux qui trient les grains séchés, séparent les bons des mauvais. Puis ceux qui emballent ces grains triés dans des sacs qui les gardent au frais, des sacs qui conservent la saveur sans ajouter de goûts ou d’arômes indésirables. Ceux qui lancent les sacs de grains sur des camions. Ceux qui retirent les sacs des camions et les places dans des conteneurs qui vont sur des navires. Ceux qui déchargent les grains des navires et les placent dans d’autres camions. Ceux qui retirent les sacs des camions et les emportent dans les brûleries de Tokyo, de Chicago et de Trieste. Ceux qui torréfient chaque lot. Ceux qui emballent de plus petites quantités dans des sachets qu’achèteront ceux qui souhaiteront moudre et préparer le café chez eux. Ou ceux qui font la mouture dans leur établissement, puis préparent et versent avec soin le café, l’expresso ou le cappuccino.

Toute tasse de café requiert donc une vingtaine de mains, du producteur au consommateur. Et pourtant, elle ne coûte que deux ou trois dollars. Même une tasse à quatre dollars relève du miracle, compte tenu du nombre de personnes impliquées, compte tenu de l’attention et de l’expertise prodiguées aux grains dissous dans cette tasse à quatre dollars. Une attention et une expertise telles que, en fait, même à quatre dollars, on peut soupçonner que, au cours du processus, des gens — peut-être même des centaines de gens — ont été escroqués, sous-payés, exploités.