Après Tant que le café est encore chaud et Le moine de Moka, et entre deux tasses plus surprenante l’une que l’autre, je ne pouvais pas laisser Café sans filtre sur les étals de ma libraire. D’autant moins après avoir lu la quatrième de couverture, qui m’a coupé le souffle, « mais c’est mon roman ! » Mon brouillon, plutôt, interrompu lorsque le « monde d’après » s’est révélé nettement plus déprimant que le « monde d’avant ».
Café sans filtre n’est pas la « covidie humaine » décrite par les fort peu critiques des magazines fort peu littéraires. Les personnages subalternes disparaissent aussi vite qu’ils sont entrés, oubliés avant d’avoir été esquissés, la pandémie n’est même pas un prétexte, passée avant d’avoir vraiment commencé. Jean-Philippe Blondel se dérobe : le chœur se transforme en quatuor, comme s’il fallait éviter les foules, le huis clos se termine en terrasse, comme s’il fallait éviter les contacts rapprochés.
L’intrigue est gentillette, mais rondement menée, le dénouement est prévisible, mais adroitement repoussé. En s’asseyant sur les banquettes fatiguées du Tom’s, pour regarder par-dessus l’épaule de Chloé, on peut oublier pendant quelques heures la reprise épidémique, le fatras politique, la crise économique, et le bourbier diplomatique. Voilà qui me donne envie de travailler sur mon brouillon en terrasse.